Claude Freichinier, l'homme qui nourrit les Amapiens
Publié le vendredi 22 avril 2011 à 11H44
Installé à Gignac, le "fermier de famille" approvisionne une centaine de foyers vitrollais
Qu'importe l'autoroute de Martigues qui passe en grondant au ras de sa maison des Piélettes. Claude Freichinier est ici chez lui, dans ce hameau que ses grands-parents maternels ont construit à l'Ouest de Gignac-La -Nerthe, au début du XXe siècle.
En ce temps déjà lointain, tout le monde ou presque à Gignac était paysan. " Mon père, mes oncles, ils étaient soit maraîchers soit éleveurs". De la génération qui a suivi, il est le seul à être resté à la terre. Les autres ont tous choisi des métiers de citadin. "Moi je voulais être éleveur, je l'ai été pendant plusieurs années, j'avais des chèvres. Mais l'urbanisation m'a obligé à me reconvertir. J'ai fait du maraîchage. J'ai d'abord fait de l'agriculture traditionnelle, puis je suis passé au bio. Je livrais aux grossistes, au petit matin. C'était épuisant".
En octobre 2006, un doux rêveur vitrollais l'invite à entrer dans son rêve d'une association qui approvisionnerait les Vitrollais en fruits et légumes biologiques. C'est James Brondolo qui s'apprête à créer l'association pour le maintien d'une agriculture paysanne. Au mois d'avril suivant, le rêve est devenu réalité, Claude Freichinier est devenu le "fermier de famille" comme on dit chez les Amapiens, d'une centaine de foyers vitrollais auxquels chaque semaine, entre avril et octobre, il livre des paniers de légumes (surtout) et de fruits (assez peu) biologiques.
Au fil des années, les adhérents se sont renouvelés, les présidents se sont succédé, mais le fermier de famille est toujours là qui, mardi prochain à la salle du Roucas, entamera sa quatrième saison de distribution. Le bilan ? La question laisse sans voix ce "taiseux" qui a longtemps préféré la compagnie des bêtes à celle de ses congénères. "J'ai découvert ce que c'est qu'avoir des horaires normaux. Grâce à l'Amap, j'ai pu embaucher, j'ai maintenant un ouvrier agricole à plein temps. Mais, une fois que j'ai payé son salaire et mes factures, il ne me reste plus grand-chose."
Le visage habituellement sombre s'éclaire d'un sourire inattendu, presque enfantin. "Honnêtement, ça m'a changé la vie. Avant je voyais jamais personne. Pour les grossistes en bio, j'étais un numéro, pas plus, ils me voyaient pas. Avec les distributions de paniers, trois fois par semaine, je parle aux gens. Il y en a qui s'intéressent à mon travail, qui me posent des questions". Il y en a même avec qui le fermier de famille entretient des relations "amicales", mais le très réservé Claude Freichinier n'en dira pas plus.
Pour assurer l'approvisionnement de ses Amapiens, le maraîcher gignacais a doublé ses superficies de plantation. Désormais, ses cultures s'étendent de part et d'autre de la route 368, à la sortie des Piélettes direction Martigues. 1,7 hectare au Nord de la route, 1,5 au Sud auxquels s'ajoutent 2,5 hectares de fourrage bio."Actuellement je le vends, mais à la rentrée, j'en garderai une partie pour moi, je veux élever des veaux. Bio. "
Fèves, haricots verts et pommes de terre d'un côté de la route, artichauts, radis, oignons, ail, fraises, fèves, petits pois et salades de l'autre côté, Claude Freichinier présente ses alignements de plantations avec fierté. "Quand tout produit chimique est interdit, c'est pas facile de lutter contre les corneilles qui mangent les jeunes plants, les taupins qui bouffent les racines des artichauts, les pucerons qui grignotent les tiges des petits pois. Sans oublier le Mistral qui casse tout. C'est pour ça que c'est bien que les adhérents viennent sur l'exploitation. Ils comprennent mieux pourquoi parfois on a du retard sur un produit, ou qu'on est en échec sur un autre".
Mais Claude Freichinier ne s'en sort pas si mal. "Pour le Mistral, j'ai planté des rangs de maïs. Pour les pucerons, on plante des fèves à côté, les pucerons vont dessus et délaissent les petits pois, plus fragiles. Pour les artichauts, je compte sur la repousse aux pieds. Pour les corneilles, j'ai fabriqué des épouvantails, ça marche plus ou moins bien". Il arbore le sourire malicieux du fort en maths qui se joue d'un problème piégeux. "Le plus difficile, c'est de faire des cultures qui plaisent à tout le monde, que les gens soient contents quand ils reçoivent leurs paniers. Il faut deviner le temps qu'il fera dans l'année, quelles seront les cultures qui marcheront et celles qui auront du mal à pousser. La difficulté c'est d'organiser les rotations : savoir à quelles dates on plante, combien de rangées à chaque fois".
"Chez moi, il n'y a pas de frigo !"
Enjambant les plants, il entraîne les visiteurs vers ses rangées de fraisiers. "J'en ai planté 4000. Des Mara des bois. Des petites fraises des bois, avec un goût ! Celui des fraises de mon enfance". Claude Freichinier oserait presque s'avouer satisfait : "J'aime diversifier mes plantations. Vous n'imaginez pas le bonheur que c'est de se dire "j'ai réussi mes cultures". Un silence. "C'est peut-être aussi que je suis devenu plus confiant, moins inquiet. J'accepte que les choses soient comme elles sont. C'est pas du j'm'en foutisme, mais de la philosophie plutôt. Encore un silence. Et un dernier sourire ravi : "Chez moi, à la ferme, il n'y a pas de frigo. Il n'y en a jamais eu. Ce que je mets dans les paniers, je l'ai cueilli le matin".
Source et remerciements: Journal La Provence
1 commentaire:
super le nouveau blog !
et bravo à Mr Freichinier qui nourrit notre famille depuis 3 ans déjà !!
nous on est ravi de notre amap !!
famille Nardi Melilli
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